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Écrire une autofiction

Conseils et pièges à éviter

Par Joannie Roberge et Camille Paré-Poirier

On publie beaucoup d'autofictions au Québec. En 2020, elles prédominaient d’ailleurs les livres finalistes des Prix littéraires du Gouverneur général. Les autrices et les auteurs puisent dans leur vécu (leurs traumatismes ou leurs grandes aventures) pour créer des histoires vraisemblables et poignantes.  Il existe toutefois certains pièges à éviter lorsqu’on aspire à publier ce genre de roman. La trame narrative

Une autofiction doit avoir une trame narrative rythmée au même titre qu’un roman fantastique ou policier. Quand on s’inspire de notre vie, il est souvent nécessaire d’ajouter ou de modifier des éléments pour que l’histoire demeure captivante et fluide. Il ne faut pas hésiter à jouer avec la ligne du temps pour qu’elle se concentre sur l’essentiel (faire des ellipses ou des retours en arrière). Rédiger un plan nous aidera à construire ou à peaufiner la structure romanesque de notre récit et ainsi éviter de tomber dans le témoignage ou l’autobiographie. L’évolution du personnage

Le ou la protagoniste doit évoluer et cheminer au fil des péripéties et des rencontres. Montrer ses défauts et ses problèmes dans les premiers chapitres laissera de la place pour cette croissance essentielle au récit. On a parfois tendance à se censurer par peur du jugement ou pour ne pas dévoiler nos vulnérabilités. Or, c’est en puisant dans cette intimité qu’on pourra toucher le lecteur. Il faut se rappeler que même dans une autofiction, le ou la protagoniste demeure un personnage fictif au service de l’histoire et des thèmes qui y sont déployés. Et ce, même si la narratrice ou le narrateur est très près de nous.


Les conseils de notre collaboratrice Camille Paré-Poirier, autrice d’une autofiction (Dis merci, paru aux Éditions Ta mère) sur son adolescence dans les hôpitaux. En 2018, quand j’ai commencé à écrire, je pensais que la création devait obligatoirement me sortir de moi-même. Que pour être une vraie autrice, il me fallait inventer des personnages et des histoires qui n’avaient rien en commun avec ma vie. Mais j’ai vite réalisé que parler de soi est loin d’être ennuyeux. Et que la façon dont les événements nous marquent, aussi anecdotiques ou extraordinaires soient-ils, c’est ÇA qui est intéressant. L’enjeu éthique Choisir d’écrire sur de vrais événements ou de vraies personnes impose une honnêteté. D’abord, envers celles et ceux dont on parle et qui pourraient se reconnaître. Je pense qu’il est primordial de consulter les vraies personnes qui font partie de l’histoire qu’on raconte. Bien sûr, je parle de celles et ceux qui jouent un rôle majeur dans le récit, ou dont certains secrets pourraient être révélés. Vous savez de qui je parle. Je pense qu’aller chercher leur consentement avant, plutôt qu’après, vous mettra dans de meilleures dispositions pour écrire (vous serez rassuré.e, et aurez donc moins de pudeur!). Il se peut que certaines personnes refusent, ou veulent qu’on change leur nom. C’est leur droit, et on peut alors trouver une solution de rechange, comme transformer le personnage, son lieu d’origine, son âge… pour s’assurer que la personne ne soit plus identifiable. Ensuite, l’honnêteté envers soi-même. Suis-je prête à révéler cette histoire? Suis-je en paix avec elle? Suis-je à l’aise de laisser les lectrices et lecteurs se l’approprier? En 2021, j’ai publié mon premier livre, qui retraçait en détails mon adolescence passée dans les hôpitaux. Presque tout ce que j’y raconte est vrai. Il m’a fallu plus de dix ans pour réussir à écrire à propos de cette expérience personnelle et, je ne m’en cache pas, traumatisante. Je pense que je savais depuis longtemps que j’avais envie de raconter ce moment de ma vie, mais j’ai attendu d’être prête à le faire, d’avoir fait la paix avec lui. Le piège de la thérapie Notre mémoire est un outil très fertile pour l’écriture. On a souvent tendance, à tort ou à raison, à piger dans nos histoires les plus tragiques, nos traumatismes personnels. Et c’est normal : un traumatisme se caractérise souvent par des souvenirs extrêmement précis, une attention portée aux détails. Notre cerveau a revisité sans cesse cette expérience difficile, il nous est donc aisé de la raconter avec précision. Cependant, je crois qu’il faut s’assurer, lorsqu’on écrit avec l’objectif d’être publié.e, que notre projet ne devienne pas un journal intime. Le souvenir doit rester un outil, un trampoline vers la création, et pour cela, il doit être malléable. Il faut s’assurer que le livre ne devienne pas une thérapie ou un règlement de compte. J’ai compris avec le temps que nous n’inventons pas grand-chose. Nous nous inspirons constamment de ce qui nous entoure, des anecdotes qu’on nous raconte, des gens qu’on rencontre… Une fiction n’en est jamais tout à fait une. De la même façon qu’un souvenir n’est jamais tout à fait vrai. Pour vous aider à donner une structure romanesque à votre autofiction, nous vous invitons à surveiller les dates de notre formation « Structurer son roman ».

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