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Voici les trois textes sélectionnés dans le cadre de notre défi d’écriture de décembre 2022. Il fallait écrire un mini-récit de 250 mots en s’inspirant de la mise en situation suivante :

Un ou une protagoniste finalise les préparatifs du réveillon de Noël qu’il ou elle veut parfait et magique, mais un imprévu survient. Le choix parmi les 45 histoires reçues a été très difficile à faire. Nous avons opté pour des récits qui suscitent une réflexion, mais qui font aussi sourire!


Brûlée 

Par Noémie Gonthier

Les saucisses cocktail s’emmitouflent sous leur couverture de bacon pour se protéger du froid rosepatrien. Sur la nappe de velours à la couleur des épines de mon sapin artificiel, chaque étage de la salsa étagée, minutieusement étalé, attend patiemment d’être dégusté. Je badigeonne la volaille festive d’un coup de pinceau généreux, l’agrémentant d’un beurre qui m’a coûté le tiers de mon loyer.

Chaque année, je fignole ma dinde avec le plus grand soin ; des branches de romarin biologiques, des citrons confits et un arrosement constant aux quarts d’heure. Sans oublier mon ingrédient secret ; la pression de la perfection que je m’impose et qu’on n’essaie jamais de m’enlever, d’alléger.

Noël après Noël, j’observe d’un œil critique la facilité qu’ont mes convives à trancher la chair blanche en me demandant ; est-elle assez juteuse ? gouteuse ? délicieuse ? L’ai-je laissée cuire quelques minutes de trop ? ou pas assez ?  La mélodie du four se mélange à mes tourments ; ça m’étourdit, tout comme le vin qui ne cesse de tournoyer dans ma coupe. L’alcool s’oxygène, mais moi, c’est le contraire.  Suis-je encore capable de respirer ?  Une porte s’ouvre et un courant d’air glacé fait danser la fumée dense s’étant accumulée entre les murs de la cuisine. 

« Bénédicte ? Est-ce que ça va ma poule ? »

Ma mère me rejoint sur le plancher flottant où mon corps s’est écroulé. Ça fait quarante minutes que mes poumons se remplissent d’un air presque aussi toxique que ma charge mentale. J’ai brûlé ma dinde et je m’en criss ; ma mère m’ouvre ses bras et, contre son cœur, le mien ralentit enfin sa cadence.




La paix

Par Jean-Christophe Gaudet

À peine le temps de me sortir du train de la journée que je me fais emporter par la tempête des préparatifs. Arrive à la maison. Demande à l’épouse si elle a préparé les bagages, les enfants et la bouffe. Bien sûr qu’elle a tout fait. En une heure, le reste de la montagne de tâches est gravie. Au premier coin de rue tourné, les deux juniors combattent déjà le sommeil. Les kilomètres défilent sur l’horodateur avant que le GPS ne laisse présager la proximité de Sainte-Béatrix et sa boulangerie. Boîtes de beignes en main, l’anxiété monte d’un cran.

—  Penses-tu que ton père va encore nous forcer à jouer, ce soir? L’an passé, il ne nous a pas lâché une seconde.

— Parle-moi en pas!

En franchissant le cadre de porte, l’odeur des tourtières nous transporte à la table où la boîte de Scrabble trône déjà. Lorsque la cire des chandelles devient liquide et que les convives fuient la vaisselle aussi vite que les enfants rejoignent leurs cadeaux, j’en profite pour préparer l’assiette des desserts. Ma plus vieille présente les beignes au grand-père, pointant celui qui dégouline de confiture pour qu’il le prenne. Au moment où l’assiette ne contient que des miettes et du sucre, un ronflement perce le chant télévisé de Ginette Reno. Les yeux se retournent et se plissent instantanément lorsqu’ils reconnaissent la bouteille de somnifères que je secoue dans ma main. Je vais pouvoir boire mon chocolat chaud sans stresser cette année.

Mon secret de Noël

Par Élise Goulet Pedersen

Je ne suis pas une cuisinière. Loin de l’être. Quoique, je fais un bon grilled cheese. Pourtant, je me suis portée volontaire pour organiser le premier réveillon de Noël sans Grand-maman. J’ai gentiment refusé l’aide offerte par ma mère et ignoré le sarcasme de ma tante. « Ne vous inquiétez pas. Ce sera un Noël magique. » Les flocons défilent devant la fenêtre tandis que j’attends le meilleur traiteur en ville. Je suis fière de mon coup. Il arrivera juste avant mes invités afin que la nourriture soit chaude et que j’aie le temps de tout transvider dans mes propres plats. Grand-maman cuisinait tout elle-même, mais ce sera mon petit secret de Noël. On sonne. Qu’est-ce que ma tante fait ici aussi tôt ? Je prends son manteau, ses cadeaux et j’aperçois mes parents, mon frère, sa fiancée et tout le reste du clan. Non, non, non. Tant pis pour l’accueil chaleureux, je me réfugie dans la salle de bain où je téléphone en vitesse à ce foutu traiteur. « Oui madame. Nous avons votre commande. Elle sera livrée le 25 décembre à 19 h comme vous l’avez demandé. » 25 décembre. Non! Quelle erreur de débutante ! À mon retour dans la cuisine, ma mère m’adresse un sourire en coin et enfile le tablier qu’elle avait pris la peine d’apporter. Ma famille et moi célébrons donc notre premier Noël sans Grand-maman dans une maison remplie d’amour, de bons vins… et de grilled cheese.

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